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Sunday, October 30, 2011

In 2005, Ex-soldier Anel Bélizaire says he was asked to kill Haitian leader.




By Tim Pelzer
May 2005.

Anel Belizaire, an ex-soldier in Haiti who recently escaped from the National Penitentiary in Port-au-Prince, says that someone from interim Prime Minister Gerard Latortue’s office asked him last month to murder fellow inmate Yvon Neptune. Neptune is the deposed prime minister who served under exiled President Jean-Bertrand Aristide. He has been jailed for nearly a year without trial. 


In a March 13 telephone interview from Haiti, Belizaire told the World that a high official from Latortue’s office visited him in his prison cell on Feb. 12. He was serving time in jail, he said, because in an earlier incident he had refused to help the U.S.-backed government arrest Neptune and three other pro-Lavalas Party lawmakers on trumped up charges of transporting firearms. 

Promising him $10,000 in cash and telling him he would be well looked after in the future, the official asked him to assassinate Neptune. When Belizaire asked the high official for his name, he refused to give it, telling him only that “they [members of Latortue’s office] know me.” 

Belizaire agreed to take on the job. On Feb. 14 the same official visited him again to further discuss the assassination plot. “I asked them how can I get out of the penitentiary and do it [kill Neptune] without being caught,” Belizaire said, “and they said to me, ‘Don’t worry about it — the way we will do it, you will be covered and nobody will know that you did it.’” 

On the morning of Feb. 19, another unidentified official from the interim prime minister’s office visited him and told him he was to kill Neptune that very day. The official said preparations had been taken to ensure his success, and that a 9mm pistol had been planted nearby for him to use for the job. 

That afternoon, Belizaire heard the crackle of gunfire. Gunmen, who witnesses identified as policemen, launched an assault on the prison and created a huge commotion, allowing 480 prisoners to escape.



Belizaire left his prison cell, which he said was unlocked during the day, to get the pistol. However, rather than carry out the assassination plan, he says he located Neptune and Jocelerme Privert, another former minister under Aristide, and told them that they had to leave the penitentiary with him. 

“Neptune told me that he did not want to go and I told him, ‘You have no choice, we have to go.’ Neptune told me, ‘My life is in your hands,’” said Belizaire. 

Once out of the prison and on the main road, Belizaire said he drew his pistol and commandeered a passing car, causing the driver to flee. Belizaire drove Neptune and Privert to a safe location. He warned Neptune that his life was in danger and to be careful. He then departed and has been in hiding ever since. 

Neptune and Privert immediately turned themselves in to the authorities and were returned to prison. They have since gone on a hunger strike to demand that the government assure their safety. 

Asked why he did not kill Neptune on Feb. 19, Belizaire said that he got to know the deposed prime minister in prison and found him to be quite different from the negative image painted of him by the anti-Lavalas opposition.

“The image that they give of him is not the one he gave to me,” Belizaire said. “He showed me his true personality.” Neptune is not the bad person that the government makes him out to be, he said.

Interestingly, Belizaire is no Lavalas Party supporter. He detests Aristide, and he willingly took up arms to overthrow Aristide’s democratically elected government in 2004. U.S. Marines participated in that overthrow by kidnapping Aristide and spiriting him out of the country. But neither does Belizaire back the Latortue government, which he said is as repressive as its predecessor. 


“We fought the Aristide government because they did bad things,” he said. “This government is doing worse. That means they don’t want anyone in their way to confront them.” He said that the interim prime minister’s office was only using him to do their dirty work. He also confirmed allegations from witnesses and human rights organizations that Haitian police and former soldiers are executing the regime’s opponents in poor neighborhoods. 

Belizaire remains a fugitive. He believes that the Latortue government wants to kill him now because he did not assassinate Neptune and because he knows too much and will not remain silent. “I’m not going to hide these dirty things,” he said.


http://peoplesworld.org/ex-soldier-says-he-was-asked-to-kill-haitian-leader/

Évariste Galois : enfance d’un génie malheureux

Aurélien Alvarez

« C’est la fureur des Mathématiques qui le domine ; aussi je pense qu’il vaudrait mieux pour lui que ses parents consentent à ce qu’il ne s’occupe que de cette étude. »



Il était une fois, dans la Grand’Rue du Bourg-la-Reine, à une dizaine de kilomètres au sud de Paris, une institution de jeunes gens dont l’origine remontait au delà de la Grande Révolution. Cette dernière ne fut d’ailleurs pas étrangère à la prospérité de ce pensionnat, d’une part parce que la famille qui le tenait s’y rallia très vite, d’autre part parce que la plupart des collèges et autres pensionnats, tenus presque tous par des prêtres, étaient devenus suspects pour ceux qui n’avaient pas simplement disparu. Au tournant des années 1810, le grand-père céda sa pension à son fils cadet de 36 ans, Nicolas-Gabriel, qui devint un véritable fonctionnaire, le chef d’une institution de l’Université impériale. Nicolas-Gabriel était un homme du XVIIIe siècle, aimable et spirituel, en particulier amateur de poésie et profondément pénétré de philosophie. Il avait vu la chute de la royauté et malgré le déclin de l’empire napoléonien, rien à ses yeux n’aurait pu justifier le retour de l’ancien régime. C’était un homme fondamentalement libéral (dans le sens historique du terme), fervent partisan des libertés politique, religieuse et individuelle, particulièrement attaché à une démocratie politique. Et c’est tout naturellement qu’il devint le chef de file du parti libéral au Bourg-la-Reine, lors de la Première Restauration, et que l’assemblée primaire lui confia la mairie du village au moment des Cent-Jours, responsabilité qu’il garda jusqu’à sa mort, scrupuleusement fidèle au serment prêté au roi mais résistant avec la plus grande fermeté aux conservateurs et à l’omnipotence du curé.



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Avenue Galois, Bourg-la-Reine





Presque en face de cette institution, habitait la famille Demante, dont le grand-père Thomas-François était docteur agrégé à la Faculté de droit de l’ancienne université de Paris, devenu haut magistrat sous l’empire. Latiniste passionné d’ancien régime, il donna à ses enfants une solide instruction religieuse. Malgré cela, l’une de ses filles, Adélaïde-Marie, nourrit un amour profond pour l’antiquité, rapprochant des textes sacrés à ceux de Cicéron et de Sénèque, réduisant presque la religion au rôle d’enveloppe des principes de la morale. Son imagination ardente lui donnait une véritable force de caractère de sorte qu’elle ne savait embrasser la vie qu’avec passion. Toutes les personnes qui l’ont bien connue ont le souvenir d’une intelligence extrêmement vivace, généreuse jusqu’à l’imprévoyance.
Nicolas-Gabriel et Adélaïde-Marie se marièrent sous l’empire et, le 25 octobre 1811, dans la maison familiale de la Grand’Rue, naquit Évariste Galois.
















Jusqu’à l’âge de ses douze ans, sa mère s’occupa entièrement de son éducation et de son instruction, ce qui peut aider à comprendre certains traits de la personnalité d’Évariste, qui fut parfois taxé d’« original » et de « bizarre », traits de caractère que l’on retrouvait d’après certains chez sa mère. Le garçonnet était cependant sérieux et aimable, grave et affectueux, et tenait une grande place dans la famille, n’hésitant pas à composer des dialogues ou à rimer des couplets lors des fêtes de famille, imitant là les plaisirs de son père. Aux années d’insouciance et de gaieté passées dans le cocon familial, succéda un grand vide lorsque Évariste entra comme interne en quatrième au collège Louis-le-Grand en octobre 1823, départ qui s’accompagna d’un changement de caractère de l’enfant. Et pour cause, il faut imaginer l’enfant sensible qu’était Évariste passer de la maison familiale douce et riante aux grilles du froid et vieux Louis-le-Grand où se mêlaient la passion du travail et des triomphes académiques ainsi que la passion des idées libérales nourries des souvenirs de la Révolution.
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Lycée Louis-le-Grand


Depuis 1815, les révoltes à Louis-le-Grand étaient courantes au point que deux proviseurs s’y étaient déjà usés en huit ans, l’un parce que sa présence seule était cause de mutinerie, l’autre pour avoir laissé carte blanche au libéralisme afin d’obtenir la paix. Le nouveau proviseur Berthot avait bien l’intention de gouverner à la manière forte et de s’imposer sans concession. Les tensions entre Berthot et ses internes atteignirent leur point d’orgue quand les élèves observèrent le silence à la Saint-Charlemagne 1824 alors que le proviseur portait le traditionnel toast au roi. Furieux, Berthot décapita son collège en mettant à la porte tous les élèves présents au banquet. Évariste, qui ne comptait pas encore parmi les tout premiers de sa classe et n’avait donc pas participé au banquet, ne fut pas expulsé. Mais inutile de préciser que cette première année d’internat ne fut pas sans une grande influence sur le tempérament d’Évariste qui n’avait connu jusque là les luttes et les sacrifices pour la liberté uniquement dans les livres et dans les mots choisis par sa mère. Il est fort probable que ces événements ont marqué profondément le caractère du garçonnet qui n’en finissait pas de subir, dans ce monde nouveau du collège, la sévérité et l’injustice d’un règlement. Pour autant, Évariste obtint, à la fin de sa Troisième, le premier prix de vers latins et trois accessits dont un de version grecque au Concours général.
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Cour d’honneur du lycée


En dépit de ces bons résultats, Évariste ne tarda pas à s’ennuyer en classe de Seconde et à accuser un certain dégoût pour le travail scolaire. Le nouveau proviseur du collège Louis-le-Grand, Laborie, écrivit alors au père de Galois le 21 août 1826, pour lui proposer de faire redoubler son fils. Il pensait qu’une nouvelle seconde lui ouvrirait les yeux sur ses véritables intérêts, alors même que le garçonnet était las des exercices scolaires qui cloisonnaient son esprit.
Monsieur,
L’intelligence, l’esprit peuvent suppléer au travail, mais ne peuvent remplacer le jugement qui ne mûrit qu’avec l’âge. Telle est, n’en doutez pas, l’unique cause de la défaite qu’a éprouvée M. votre fils cette année. M. Roger, avec lequel je me suis longtemps entretenu sur son compte, m’a témoigné le désir de le voir redoubler. Quoique je vous en ai fait plusieurs fois en vain la proposition, je me détermine néanmoins avec plaisir à cette nouvelle démarche, car tout espèce d’amour-propre cesse chez moi du moment qu’il s’agit du bien-être d’un élève. Or dussé-je éprouver un nouveau refus, je ne craindrai pas de dire que cette mesure est l’unique moyen de ramener le succès du jeune homme et de ménager sa santé : qu’il se garde du reste de croire que ses nouveaux rivaux lui laisseront une victoire facile. Il aura affaire à une des meilleures classes du collège, et je ne doute pas que son travail ne doive être soutenu s’il veut se maintenir au premier rang. J’espère que, privé de nominations au Concours général et au lycée, il ouvrira les yeux sur ses véritables intérêts.
Laborie.
Bien que son père résista tout d’abord en cette rentrée 1826, dès le deuxième trimestre Évariste dut retourner en Seconde, après que son travail en Rhétorique fut jugé médiocre et son esprit trop jeune pour profiter de la classe. Sans aucun effort, le jeune homme retrouva le succès dans son travail.



1826-1827. RHÉTORIQUE, puis SECONDE ET MATHÉMATIQUES PRÉPARATOIRES
Premier trimestre
Notes d’étude.
Devoirs religieux. Bien.
Conduite. Bonne.
Travail. Soutenu.
Dispositions. Heureuses.
Progrès. Sensibles.
Caractère. Bon, mais singulier.
Cet élève, quoiqu’un peu bizarre dans ses manières, est très doux, et paraît rempli d’innocence et de bonnes qualités. J’ai eu l’occasion de m’apercevoir que l’ambition d’obtenir de bonnes places le guidait beaucoup plus que le désir de faire un bon devoir pour plaire à ses maîtres.
Rhétorique (notes de M. Camus).
Conduite. Dissipée.
Travail. Médiocre.
Rhétorique (notes de M. Desforges).
Conduite. Bien.
Travail. A du zèle.
C’est un esprit bien jeune pour profiter beaucoup en rhétorique.



Deuxième trimestre
Notes d’étude.
Devoirs religieux. Bien.
Conduite. Assez bien.
Travail. Satisfaisant.
Dispositions. Heureuses.
Progrès. Assez sensibles.
Caractère. Original et bizarre.
Cet élève, qui travaille bien la généralité de ses devoirs, et quelques-uns avec ardeur et goût, se rebute facilement quand la matière ne lui plaît pas, et alors il néglige le devoir. Il en est de même pour les leçons qu’il sait généralement bien, mais quelquefois qu’il n’apprend pas du tout. Jamais il ne sait mal une leçon : ou il ne l’a pas apprise du tout ou il la sait bien. Quant à ses qualités personnelles, elles sont bien difficiles à définir. Il n’est pas méchant, mais frondeur, singulier, bavard, aime à contrarier et à taquiner ses camarades.
Seconde.
Note de M. Saint-Marc-Girardin. Son travail n’est pas assez régulier ; sa conduite est passable.
Mathématiques préparatoires (note de M. Vernier). Zèle et succès.



Troisième trimestre
Notes d’étude.
Devoirs religieux. Bien.
Conduite. Passable.
Travail. Inconstant.
Dispositions. Heureuses.
Progrès. Peu satisfaisant.
Caractère. Original et bizarre.
Cet élève, sauf depuis quinze jours à peu près qu’il travaille un peu, n’a cultivé les facultés de sa classe que par la crainte de pensum, et par suite à coups de punitions ; tantôt, et c’était le plus souvent, il ne faisait pas la dernière partie de ses devoirs, et tantôt il les brochait, et pour quelques narrations latines, il ne faisait que transcrire la matière. Son ambition, son originalité souvent affectée, et la bizarrerie de son caractère le séparent de ses camarades.
Pour le troisième trimestre, les autres notes manquent [3].

À cette époque, il n’y avait pas de classes de mathématiques à proprement parler : les élèves étaient recrutés dans les diverses classes supérieures de Lettres, en fonction de leurs goûts et de leurs habitudes. Évariste profita donc de son retour en Seconde pour entrer en première année de mathématiques préparatoires et découvrit, sans tarder, ses extraordinaires facultés. Il lut la Géométrie de Legendre comme un autre eût fait d’un roman, assimilant la longue série des théorèmes avec le plus grand soin et en quelques heures seulement. Son intelligence ignorait simplement l’effort et il dévora laRésolution des équations numériques, la Théorie des Fonctions analytiques, ou encore les Leçons sur le calcul des Fonctions de Lagrange. La fièvre des mathématiques l’envahit, stupéfiant ses camarades et ses maîtres, au moment où un changement d’humeur fut remarqué par toute sa famille : Évariste devint concentré. Comme en témoignent ses notes de la fin du deuxième trimestre, on le juge original et bizarre, lui qui tous les jours semble plongé dans des méditations solitaires pour n’en sortir qu’à de rares instants et faire subir à son entourage ses humeurs.
L’année suivante, ses notes de Rhétorique ne sont plus qu’une longue suite de lamentations de la part de ses professeurs. Désormais, plus de doute, les mathématiques l’absorbent tout entier. Comme le souligne son maître d’étude, « la fureur des Mathématiques le domine. Je pense qu’il vaudrait mieux pour lui que ses parents consentent à ce qu’il ne s’occupe que de cette étude : il perd son temps ici et n’y fait que tourmenter ses maîtres et se faire accabler de punitions. »



1827-1828. RHÉTORIQUE ET MATHÉMATIQUES PRÉPARATOIRES
Premier trimestre
Note d’étude. Conduite assez bonne. Quelques étourderies. Caractère dont je ne me flatte pas de saisir tous les traits ; mais j’y vois dominer un grand amour-propre. Je ne lui crois pas d’inclination vicieuse. Ses moyens me paraissent tout à fait hors de ligne, et je ne lui en crois pas moins pour les Lettres que pour les Mathématiques ; mais jusqu’ici il a négligé beaucoup ses devoirs de classe. Voilà pourquoi il n’a pas été bien placé dans ses compositions. Il paraît décidé à donner désormais plus de temps et plus de soins à la Rhétorique ; nous avons fait ensemble là-dessus une distribution de temps. Nous verrons s’il se tient à lui-même sa propre parole. Il ne paraît pas manquer de sentiments religieux. La santé est bonne, mais délicate.
Rhétorique (note de M. Pierrot). Travaille peu pour moi, il cause souvent. Sa facilité à laquelle il faut croire, quoique je n’en aie encore eu aucune preuve, ne le conduira à rien : il n’y a trace, dans ses devoirs, que de bizarrerie et de négligence.
Rhétorique (note de M. Desforges). Toujours occupé de ce qu’il ne faut pas faire. Baisse chaque jour.
Mathématiques préparatoires (note de M. Vernier). Zèle et progrès très marqués.



Deuxième trimestre
Note d’étude. Conduite fort mauvaise, caractère peu ouvert. Il vise à l’originalité. Ses moyens sont distingués, mais il ne veut pas les employer à la Rhétorique. Il ne fait absolument rien pour la classe. C’est la fureur des Mathématiques qui le domine ; aussi je pense qu’il vaudrait mieux pour lui que ses parents consentent à ce qu’il ne s’occupe que de cette étude ; il perd son temps ici et n’y fait que tourmenter ses maîtres et se faire accabler de punitions. Il ne se montre pas dépourvu de sentiments religieux, sa santé paraît faible.
Rhétorique (note de M. Pierrot). Travaille quelques devoirs. Du reste, causeur comme à l’ordinaire.
Rhétorique (note de M. Desforges). Dissipé, causeur. A, je crois, pris tâche de me fatiguer, et serait d’un fort mauvais exemple s’il avait quelque influence sur ses camarades.
Mathématiques préparatoires (note de M. Vernier). Intelligence, progrès marqués. Pas assez de méthode.



Troisième trimestre
Note d’étude. Conduite mauvaise, caractère difficile à définir. Il vise à l’originalité. Ses moyens sont très distingués ; il aurait pu très bien faire en Rhétorique s’il avait voulu travailler, mais, dominé par sa passion des Mathématiques, il a totalement négligé tout le reste. Aussi n’a-t-il fait aucun progrès. Je ne crois pas qu’il soit dépourvu de sentiments religieux. Sa tenue à la chapelle n’est pas toujours exempte de reproches. Sa santé est bonne.
Rhétorique (note de M. Pierrot). S’est assez bien conduit, mais a peu travaillé : va mieux depuis quelques jours.
Rhétorique (note de M. Desforges). Paraît affecté de faire autre chose que ce qu’il faudrait faire. C’est dans cette intention sans doute qu’il bavarde si souvent. Il proteste contre le silence.
Mathématiques préparatoires (note de M. Vernier). Des dispositions. Succès qui serait plus grand si cet élève travaillait avec plus de méthode.
C’est cette même année, d’après son ami Auguste Chevalier qu’« à seize ans, il commit la même erreur qu’Abel sur la résolution des équations générales du cinquième degré ». Peu de doute, Vernier son professeur était désorienté face à son élève qui, seul, s’était préparé aux examens de l’École polytechnique [4]. Cet échec lui fut amer et il y vit une certaine injustice. Probablement d’ailleurs que sa fureur pour les mathématiques tenait de son intransigeante volonté de rentrer à l’École polytechnique où son cœur l’appelait. N’était-elle pas cette noble institution, fille de la Révolution, inébranlable, fidèle à ses origines et la sève de la jeunesse libérale ? Évariste se sentait fait pour l’École polytechnique, tout comme il la sentait faite pour lui.


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L’École polytechnique de 1805 à 1976









Sans aucune hésitation, Évariste décida de se représenter l’année suivante et, sautant la classe de Mathématiques élémentaires, il entra directement dans celle de spéciales à la rentrée de 1828. Cette classe avait pour professeur Richard, un homme vénéré par tous ceux qui l’ont connu. Fidèle auditeur des cours professés par Chasles à la Faculté, Richard savait s’élever au-dessus des programmes officiels pour élargir les esprits de sa classe. Il devina aussitôt le génie de son élève, y vit un esprit capable de sonder les profondeurs de la Science et proclamait hautement qu’il devait être admis hors ligne à l’École polytechnique.



1828-1829. MATHÉMATIQUES SPÉCIALES
Premier trimestre
Note d’étude. Conduite inégale et méritant souvent des reproches ; il a travaillé avec ardeur, ses moyens sont surprenants, ses progrès rapides. Son caractère est très inégal : tantôt doux et raisonnable, il est quelquefois fort désagréable. Il se tient passablement pendant les exercices religieux. Depuis quelque temps, il a mal aux oreilles.
Mathématiques (note de M. Richard). Cet élève a une supériorité marquée sur tous ses condisciples.
Chimie (note de M. Thillaye). Distrait, travail faible.
Physique (note de M. Thillaye). Distrait, travail : néant.



Deuxième trimestre
Note d’étude. Se conduit généralement bien ; cependant parfois sa conduite est répréhensible ; il travaille beaucoup et est doué de grands moyens et d’une facilité étonnante. Ses progrès répondent à son travail et à sa facilité. Il a de la bizarrerie dans le caractère, il est quelquefois très léger et souvent aussi paraît raisonnable. Il se tient assez bien pendant les exercices religieux. Sa santé est bonne.
Mathématiques (note de M. Richard). Cet élève ne travaille qu’aux parties supérieures des Mathématiques.
Chimie (note de M. Thillaye). Conduite passable, travail nul.
Physique (note de M. Thillaye). Conduite passable, travail nul.



Troisième trimestre
Note d’étude. Se conduit assez bien par intervalles, et de temps à autre se conduit aussi fort mal. Ses dispositions pour les Sciences sont connues. Lorsqu’il est à son travail il s’en occupe exclusivement, et il perd rarement son temps. Ses progrès sont proportionnés à l’étendue de ses moyens et à son goût pour les Sciences. Son caractère est bizarre, et il affecte plus de bizarrerie qu’il n’en a réellement. Sa tenue dans les exercices religieux n’est pas toujours aussi bonne qu’on pourrait le désirer. Sa santé est bonne.
Mathématiques (note de M. Richard). Conduite bonne, travail satisfaisant.
Chimie (note de M. Thillaye). Fort distrait, travail nul.
Physique (note de M. Thillaye). Fort distrait, travail nul.
En avril 1829, Évariste Galois publia aux Annales de Gergonne son premier mémoire, « Démonstration d’un théorème sur les fractions continues périodiques », et fit sa première communication à l’Académie des Sciences sur ses travaux concernant la résolubilité des équations algébriques [6]. Voici ce qu’écrit son fidèle ami Auguste Chevalier : « Cette même année, à dix-sept ans, Galois fit des découvertes de la plus haute importance sur la théorie des équations. Cauchy se chargea de présenter à l’Académie des Sciences un extrait de la théorie conçue par le jeune collégien ; il l’oublia ; l’extrait fut perdu pour son auteur qui le réclama inutilement au secrétariat de l’Académie ; il avait été égaré. Le peu d’attention donné par l’Institut au premier travail soumis à son jugement par Galois commença pour lui des douleurs qui, jusqu’à sa mort, devaient se succéder de plus en plus vives. » S’il est vrai que Cauchy fut chargé de rapporter sur le travail en question, les historiens semblent s’accorder aujourd’hui sur le fait que Cauchy n’aurait cependant ni négligé ni égaré l’article du jeune homme comme l’atteste cette lettre datée du 18 janvier 1830 retrouvée dans les archives de l’Académie.
    
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La preuve semble donc faite que, six mois après avoir reçu le mémoire, Cauchy était conscient du grand intérêt de ce travail et avait bien prévu de le présenter lors d’une séance prochaine de l’Académie. Ce qui pourrait expliquer le silence de Cauchy sur le mémoire de Galois lors de la séance suivante de l’Académie serait que ce dernier ait, au contraire, encouragé le jeune homme à réviser son mémoire pour le soumettre au Grand Prix de Mathématiques dont la date limite était fixée au 1er mars 1830. Cette version semble confortée par un article publié dans le journal Le Globe en juin 1831 qui rapporte que Cauchy aurait bien mentionné aux membres du jury son intérêt pour les travaux du jeune garçon : « M. Cauchy avait à ce sujet prodigué les plus grands éloges à son auteur. » Ce qui est certain, c’est que Fourier, secrétaire perpétuel de l’Académie, reçut effectivement en février 1830 un nouveau mémoire pour concourir au Grand Prix. Pour autant, aucune trace dudit mémoire ne fut trouvée dans les papiers de Fourier qui mourut en mai de la même année. Le malheureux Galois ne put se résoudre à voir dans cette mésaventure qu’une inopportune malchance. C’est finalement  Abel qui reçut à titre posthume le prix.
Niels Abel (1802-1829)
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Suivant les cours de Mathématiques spéciales, Galois n’avait plus de classes de Lettres à suivre ; pour autant, l’administration ne se satisfaisait pas du tout de ses médiocres résultats en Physique. Deux drames finirent d’épuiser le garçon.
Depuis les élections de 1827, les libéraux et le clergé se livraient une lutte sans relâche. Un jeune prêtre, récemment nommé au Bourg-la-Reine, prit position contre le maire qui depuis quinze ans avait su converser son indépendance face aux luttes de pouvoir. Une campagne calomnieuse contre Nicolas-Gabriel Galois fut montée, si vive qu’elle finit par déchirer l’honneur de cet homme qui, profitant d’une absence de sa femme, s’asphyxia dans son appartement de Paris le 2 juillet 1829, à deux pas du collège Louis-le-Grand. Galois conduisit le deuil de son père et suivit le cercueil jusqu’au cimetière du Bourg-la-Reine où le conseil municipal avait offert une tombe. Devant l’église où le clergé attendait le cortège, il y eut une petite émeute : le curé fut insulté et blessé d’une pierre au front. L’âme d’Évariste Galois fut meurtrie par cet événement, lui qui haïssait l’injustice et s’en croyait déjà victime.
Évariste Galois (1811-1832)
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Quelques semaines plus tard, un deuxième drame s’abattit sur les épaules du jeune homme. À la surprise de tous, il échoua pour la deuxième fois à l’École polytechnique. D’après Bertrand, Dinet, l’examinateur, avait pour habitude de poser des questions simples jugeant les candidats « à l’assurance et à la fermeté de leur démarche ». Dinet voulut entendre Galois sur la théorie des logarithmes arithmétiques. Ce dernier aurait été surpris d’une telle demande : « pourquoi ne pas lui demander simplement la théorie des logarithmes ? » Il fit une réponse banale accompagnée d’une réplique un peu sèche à une question subsidiaire. Dinet considéra l’attitude de Galois suffisamment impertinente pour lui mettre une note éliminatoire pendant que le garçon voyait sa vie lui échapper...
Vingt après, on retrouvait un écho de la colère que cet échec excita chez tous ceux qui connaissaient le jeune homme, dans une courte note de Terquem aux Nouvelles Annales de Mathématiques jugeant sévèrement cette attitude : « Un candidat d’une intelligence supérieure est perdu chez un examinateur d’une intelligence inférieure.... M. Liouville, qui nous a fait connaître le génie de Galois, ne l’aurait pas jugé inacceptable. Barbarus hic ego sum quia non intelligor ! »
La mort de son père et maintenant son échec à l’École polytechnique exaspérèrent Évariste Galois et sa haine de l’injustice et des bassesses de ce monde. Nourri d’un sentiment de persécution et en partie désespéré, il fut nommé le 25 octobre 1829 à l’École préparatoire.


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Porte du 45 rue d’Ulm

Évariste Galois : le génie des mathématiques mort à 20 ans


Par Laurent Sacco, Futura-Sciences



















Évariste Galois n’avait pas encore 21 ans quand il est mort le 31 mai 1832. Pourtant, l’Institut Henri Poincaré et la Société mathématique de France s’associent aujourd'hui pour célébrer le bicentenaire de l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps, né le 25 octobre 1811. Fondateur de la théorie des groupes, il est à la racine des travaux les plus fondamentaux en mathématique et en physique théorique.
En 1957, Leopold Infeld, le collaborateur d’Albert Einstein avec lequel il a écrit L'évolution des idées en physique, publiait un livre au titre évocateur Whom the gods love, clairement inspiré d’une citation de l’auteur grec Ménandre, « Whom the gods love die young ». Il s’agissait d’une biographie romancée de la vie d’Évariste Galois. Hélas, la traduction française de cet ouvrage n’a pas conservé ce titre, ce qui aurait donné : Ceux que les dieux aiment meurent jeunes. Il était pourtant tout indiqué pour caractériser la vie d’un homme, mort en duel à presque 21 ans pour une femme, et dont les quelques dizaines de pages portant sur une obscure question de théorie des équations vont changer les mathématiques et la physique théorique à jamais.
Évariste Galois est né à Bourg-la-Reine le 25 octobre 1811. Symptomatiquement, comme bien des scientifiques de premier plan (Pierre-Gilles de Gennes, Erwin Schrödinger ou Willard Boyle par exemple), il ne fréquentera l’école qu’au début de son adolescence, éduqué à la maison par sa mère, Adélaïde Marie Demante, qui le nourrit de culture latine.



































































































































































































































































































































































































































































Galois, le génie incompris
Il n’entrera au lycée qu’à 12 ans et ce sera à Louis-le-Grand. La découverte des mathématiques, avec le traité de géométrie de Legendre, sera décisive pour Galois et il finira par consacrer tout son temps et son énergie à la lecture des ouvrages des grands mathématiciens de son époque, Lagrange bien sûr mais aussi Euler, Gauss, Jacobi. Au grand désespoir de ses professeurs, c’est « la fureur des mathématiques qui le domine » désormais, comme l’écrit l’un d’entre eux.


À l'occasion du bicentenaire de la naissance d'Évariste Galois (25 octobre 1811), l'extrait choisi pour la vidéo du vendredi évoque la vie et l'œuvre d'un des plus grands génies des mathématiques, dont la théorie a révolutionné les mathématiques et la physique modernes. Pour ce bicentenaire, un colloque international, organisé par l'Institut Henri Poincaré (IHP) et la Société mathématique de France, se tiend à l'IHP à Paris, la semaine du 24 au 28 octobre 2011. © Réalisation : Véronique Kleiner et Didier Deleskiewicz - Production : CNRS Images
L’un de ses professeurs, Richard, devine son génie mathématique et s’attend à ce qu’il entre à l’école polytechnique, la Mecque des mathématiques française de l’époque et le rêve de Galois. Il faut croire que la tournure d’esprit du jeune mathématicien n’était pas conforme à ce que l’on attendait de lui car il échoue au concours. Tout comme Vladimir Arnolddes années plus tard, Galois écrira un texte qui n’est pas tendre avec l’enseignement des mathématiques en France.
La fin tragique du découvreur de la théorie des groupes
Après bien des péripéties que l’on peut trouver dans sa biographie, il meurt le 31 mai 1832 des suites d’un duel pour une femme. Il a tout de même eu le temps de coucher quelques-unes de ses idées sur le papier mais elles resteront inconnues des mathématiciens jusqu’à ce que les écrits de Galois soient redécouverts une dizaine d'années plus tard par Joseph Liouville.
Le 4 septembre 1843, ce grand mathématicien annonce à l'Académie des sciences qu'il vient de trouver dans les papiers de Galois une solution aussi exacte que profonde au problème de la résolubilité par radicaux des équations algébriques.

Évariste Galois (1965), un court métrage primé au Festival international du film à Cannes © Alexandre Astruc/YouTube
La naissance de la théorie des groupes
De quoi s’agissait-il ? Tous les lycéens savent que les solutions d’une équation du second degré s’expriment à partir d’une formule faisant intervenir une racine carrée construite à partir des coefficients des monômes de l’équation. Des radicaux interviennent aussi pour les équations du troisième, du quatrième degré et pour quelques autres équations simples de degrés supérieurs comme Xn=C.
Les mathématiciens précédant Galois ont fait des efforts méritoires pour montrer qu’il devait en être de même pour des équations du cinquième degré et plus généralement pour des équations arbitraires de degrés supérieurs. Les échecs répétés pour le cas du cinquième degré commencent à faire penser certains que ce n’est tout simplement pas possible. Se pose alors une simple question préliminaire avant de faire des recherches pour trouver des formules de résolutions d’équations algébriques Pn(X) arbitraires à l’aide de radicaux : est-on sûr que ces formules existent dans les divers cas des polynômes étudiés ?

Niels Henrik Abel, né le 5 août 1802 à Frindoë près de Stavanger et mort le 6 avril 1829 (à 26 ans) à Froland près d'Arendal, est un mathématicien norvégien. Il est connu pour ses travaux en analyse mathématique sur la semi-convergence des séries numériques, des suites et séries de fonctions, les critères de convergence d'intégrale généralisée, sur la notion d'intégrale elliptique ; en algèbre, sur la résolution des équations. © Wikipédia, domaine publique
Le jeune mathématicien norvégien Niels Henrik Abel prouve qu’il n’en est rien en général pour des polynômes de degré 5, avant de mourir de latuberculose le 6 avril 1829 (à 26 ans). Galois redécouvre ce résultat indépendamment, mais lui obtient une méthode générale pour examiner le problème de l’existence de solutions exprimées à l’aide de radicaux et y répondre. Pour cela, il jette les bases de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de théorie des groupes.
Une révolution en mathématique et en physique
Une bibliothèque entière ne suffirait pas pour rendre justice à l’importance du concept de groupe en mathématique. Vers la fin du XIXe les mathématiciens se rendent compte que l’approche et les concepts introduits par Galois se retrouvent dans toutes les branches des mathématiques. En témoigne cette anecdote : lors d’une conversation avec un autre mathématicien norvégien, Sophus Lie, qui avait entrepris d’étendre la théorie de Galois des équations algébriques aux cas des équations différentielles et aux dérivées partielles, le grand mathématicien français Henri Poincaré n’hésite pas à dire : « toutes les mathématiques sont une histoire de groupes ». Poincaré lui-même donnera l’exemple dans ses travaux sur la topologie algébrique, discipline qu’il a presque créée à lui tout seul.

Le grand mathématicien et physicien 
Hermann Weyl, le plus doué des élèves de Hilbert, a beaucoup fait pour montrer l'importance des groupes en physique quantique. On lui doit aussi un excellent petit livre de vulgarisation sur le concept de groupe (Symétrie et mathématique moderne) et ses connexions avec la notion de symétrie dans les sciences de la nature, que ce soit la cristallographie, la biologie ou la théorie de la relativité ou même le domaine artistique. © ETH Zürich
La nouvelle conception de Galois des mathématiques va s’imposer et se généraliser. On peut dire, d'une certaine façon, qu’elle consiste à remplacer les calculs par les idées. Elle va contribuer à la création de l’algèbre moderne sous l’impulsion d'Emmy Noether et des ouvrages que lui consacre Bartel van der Waerden. L’un des pères du groupe Bourbaki, le mathématicien Jean Dieudonné, indique dans son célèbre ouvrage, Pour l’honneur de l’esprit humain, que bien souvent lorsque l’on ne comprend pas bien quelque chose en mathématique, il est utile et fécond de faire intervenir la théorie des groupes. Les travaux de Mikhaïl Gromov en sont d’ailleurs une bonne illustration.
Mais il ne faudrait pas croire que la théorie des groupes se limite aux mathématiques pures. Les groupes de Lie sont d'une importance fondamentale en physique des particules élémentaires où ils permettent de construire les équations du modèle standard, par exemple. La théorie de larelativité restreinte repose elle-même lourdement sur deux groupes, celui de Lorentz et celui de Poincaré.