Garry Vicctor
Haïti: Je me suis rendu une fois dans un monastère bénédictin où j'ai passé une semaine. Certains de mes amis s'étonnaient de ma capacité à rester des heures dans un espace complètement silencieux. Quand je vais à la plage, je choisis toujours le milieu de semaine pour éviter le bruit, le vacarme de la foule qui ne peut s'imaginer être au bord de la mer sans bruit, sans cris, sans vacarme, sans des décibels à péter les tympans. C'est vrai qu'ici le bruit est partout et quelqu'un peut se retrouver désorienté dans le silence, surtout si son intérieur n'est peuplé que de vide. Trouver un lieu de silence chez nous n'est pas facile. La nuit, il y a les génératrices, la radio du voisin allumée à plein volume, car ici on ne respecte pas les convenances. Il faut compter, de jour comme de nuit, - et j'en oublie pas mal - les esclandres, les rumeurs proches des marchés publics, les publicités de rue, les pots d'échappement en mauvais état, les tambours et parfois les prières et les chants des protestants voulant imposer, parfois avec haut-parleurs sur les toits, la parole de Dieu à tous les mécréants des alentours. En passant, je m'étonne toujours de constater que certains pensent qu'on peut rencontrer Dieu dans le vacarme, le bruit et les jappements névrotiques des pasteurs. De toute manière, s'il y a certains qui croient que c'est possible, ils auraient dû avoir au moins la décence de ne pas déranger les citoyens qui ont besoin d'un peu de silence pour travailler, se reposer ou dormir tout simplement. Le problème devient plus flagrant quand le bruit s'insinue sans gêne dans les écoles où les hôpitaux. Le pire, ce sont ces fous isolés qui, au petit matin, se mettent hargneusement à prêcher devant votre porte, vomissant leur frustration et leur fiel sur le peu de biens que peut posséder un citoyen qui travaille à la sueur de son front. Malheureusement, ces fous ne peuvent aller devant la porte d'aucun grand commis de l'État où d'un richissime voyou.
Beaucoup de bars, de night-clubs fonctionnent sans insonorisation, sans souci des voisins, et ceci jusqu'au petit matin. Celui qui s'aviserait d'en faire la remarque aux propriétaires ou aux employés de ces boîtes se ferait immanquablement éjecté. Demander à un voisin de baisser le volume de sa radio ou de son téléviseur est presque considéré comme un affront (yon manke dega). Un Haïtien qui se plaint du bruit manque certainement un chromosome pour être un natif natal. On peut aussi se taper pendant des heures la mémorisation par coeur et à tue-tête, comme cela m'est arrivé une fois, d'une dissertation historique avec l'énoncé du sujet en prime ou encore les différentes étapes de la photosynthèse. On comprend pourquoi nos coqs chantent maintenant toutes les heures. La folie des hommes les a contaminés. Le bruit ! Voici un quotidien contre lequel il faudrait sévir et qui mériterait d'être régulé par une loi. Obliger tous les bars, les night-clubs à être insonorisés. Interdire que les lieux de culte se servent de haut- parleurs dirigés vers l'extérieur pendant la nuit et au petit matin. Interdire de faire fonctionner les génératrices non silencieuses dans les quartiers résidentiels aux heures indues. Bref, un tas de mesures qu'il faudrait prendre si ce pays était effectivement gouverné. On pense ici que c'est cette prétendue reconstruction avec Clinton dans le dos qui fait qu'on gouverne. Si un gouvernement ne prouve pas dans le quotidien son existence, il n'est que farce, comédie, monstruosité. Comme c'est triste de parler de tourisme quand justement rien n'est fait pour rendre ce quotidien moins bestial, plus humain. Combien d'étrangers se sont plaints justement du bruit dans ce pays ! D'autres, malheureusement, ne déploreront pas le prix exorbitant de nos hôtels, le mauvais service, le manque de choix culinaire et la mauvaise qualité de la cuisine. La Minustah, les institutions internationales, les ONG, les églises paient. Mais les vrais touristes, ceux qui font la fortune des autres pays de la région - pas certains de notre diaspora désireux d'exhiber leurs dollars comme signe de réussite - eux qui devront dépenser leurs économies patiemment construites au cours des années, croyez-vous qu'ils accepteront « ça » ? Garry Victor |
2 comments:
Interestting thoughts
Great reading thiis
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