Le pickpocket est devenu honnête

Monday, January 14, 2013 0 comments


Le pickpocket est devenu honnête !

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Apollo Robbins est le plus talentueux voleur au monde. D'une honnêteté à toute épreuve, il collabore avec des scientifiques et même avec l'armée américaine.

Apollo Robbins, en 2010.
Apollo Robbins, en 2010. © INTERFOTO USA / Sipa

À première vue, le jeune homme ne paie pas de mine. À 38 ans, il a le crâne dégarni - mais pas trop -, il est rasé de près, ne porte pas de lunettes. Seul un petit piercing à l'oreille vient à peine briser la monotonie d'un physique très classique et pour tout dire passe-partout. Apollo le sait et en joue : tout de noir vêtu, il qualifie même sa tenue de "signature" dans un grand portrait du New Yorker. Pourtant, Robbins n'a nul besoin d'être discret, puisqu'il ne fait jamais ses coups en douce. 

Des pouvoirs "surnaturels"

"Je vais vous voler votre montre en moins de trois minutes", prévient le "gentleman voleur", tel qu'il se surnomme lui-même sur son site. Le passant intrigué semble sûr de lui : "Je ne me ferai pas prendre, impossible, je suis bien trop vigilant pour cela", pense tout haut le trentenaire alpagué dans une rue de Las Vegas. En détournant subtilement l'attention du quidam, voilà Robbins qui arbore à son poignet le bijou de son interlocuteur en moins d'une minute. Les images qui circulent sur Internet sont réellement époustouflantes : rapidité et maîtrise de soi valent mieux que force et agitation. Certains estiment même que ses pouvoirs sont presque surnaturels. Mais ceux qui ne l'ont pas vu à l'oeuvre restent sceptiques. Qu'à cela ne tienne, Apollo Robbins leur montre en toute humilité ce dont il est capable.
"Vas-y, vole-moi quelque chose", le défie Penn Jillette, l'un des magiciens les plus renommés du milieu, lors d'une convention de prestidigitateurs à Las Vegas il y a quelques années. Robbins décline une première fois l'invitation, arguant de la difficulté liée au peu de vêtements que portait Jillette - un simple short et un tee-shirt - et au public très "intimidant", puis fait mine de refuser une seconde fois : "Je préfère plutôt te jouer un tour", répond le pickpocket. Et de demander au grand Jillette de placer une bague sur une feuille et d'en dessiner le contour au stylo. Le magicien s'exécute : il place l'anneau sur le papier, saisit le stylo épinglé sur son short, s'apprête à dessiner et... s'arrête. "Va te faire foutre", lance-t-il, dépité, à Robbins. Le pickpocket lui avait volé la mine de son stylo en toute discrétion et en à peine quelques secondes.
Force est de constater qu'avec un tel talent beaucoup se seraient laissés tenter par le côté obscur de la "magie". Mais après avoir volé, Apollo Robbins restitue toujours le bien mal acquis. "Posez-vous la question, répond-il à ceux qui s'interrogent sur les motivations de son honnêteté, suis-je assez payé pour le rendre ?" Sans doute. Car ses shows à Las Vegas se succèdent. Et sa notoriété n'est plus à faire : il a volé sa bague de fiançailles à l'actrice Jennifer Garner, une liasse de billets dans les poches de Charles Barkley, une ancienne star de basket, ou encore une montre Patek Philippe à un grand patron. Lors d'une rencontre avec les gardes du corps de l'ancien président américain Jimmy Carter, il leur a également subtilisé à peu près tout ce que contenaient leurs poches - sauf leurs armes. Prudence est mère de danger.

Publications scientifiques

Le département américain de la Défense a ainsi commencé à s'intéresser à ses talents, en vue d'appliquer ses techniques de vol, de manipulation mentale et d'influence comportementale à des fins militaires. Car s'approcher au plus près d'un inconnu nécessite savoir et expérience : inutile, par exemple, de tenter d'entrer dans la "bulle" de son interlocuteur de face, celui-ci s'en trouverait agressé, devenant trop méfiant. Robbins explique donc qu'il vaut mieux basculer sur le côté de la victime et regarder dans la même direction que lui, pour rentrer l'air de rien dans son espace propre. Devenu une référence absolue dans son domaine, Robbins devrait enseigner ses constats et ses méthodes dans un nouveau cours mis en place cette année dans la prestigieuse université de Yale.
Ses aptitudes ont également intéressé des chercheurs en neurosciences, qui ont travaillé avec lui sur sa technique dite de "la pièce sur l'épaule", à l'origine de plusieurs publications scientifiques. L'une de ces observations, publiée dans la revue Frontiers in Human Neuroscience et décrite dans un article d'un blog du Monde.fr, est éclairante et montre à quel point sa collaboration avec des chercheurs est fondée : "Si l'on déplace un objet d'un point A à un point B suivant un arc de cercle, l'oeil humain suit l'objet sans plus se soucier du point de départ de l'objet (A), ce qui est très utile lorsqu'on veut détourner l'attention du point A. Au contraire, si l'objet se déplace du même point A au même point B en ligne droite, alors l'oeil aura tendance à jeter de nouveau un regard au point d'origine."
Dans une vidéo mise en ligne sur le site du New Yorker, Apollo Robbins explique comment il arrive à voler une montre, un portefeuille dans une poche intérieure de veste, ou même un téléphone portable situé dans une poche de pantalon, en s'appuyant sur ses propres théories. À vos mains, prêts ? Tentez !

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