Populisme et Popularité

Monday, March 7, 2011 0 comments
Jean Erich René
Ottawa le 7 Mars 2011

En questionnant l’histoire nous constatons que depuis l’antiquité le Peuple intervenait déjà dans les débats politiques pour servir de balancier du pouvoir. Cependant au fil du temps les relations publiques ont beaucoup changé. Avec l’avènement des medias de tout azimut, la perception des personnages politiques acquiert une dimension factice. En effet une relation triangulaire très pernicieuse s’établit entre le candidat, les medias et les électeurs. Ce jeu de miroir qu’incarne la presse de nos jours peut agrandir, rapetisser et même ternir l’image d’un(e) candidat(e), surtout quand la mauvaise foi s'y mêle. Souvent on projette dans notre champs de vision une image virtuelle auréolée de gloires fictives qui enjolivent le portrait de nos candidats(es) afin de conquérir les électeurs.

A cause du maquillage politique courant, par mesure de précaution, nous devons faire la différence entre la popularité d’estime et la popularité de proximité d’un(e) candidat(e) appelé(e) à chevaucher le pouvoir. La vie de 10 millions d’habitants est en jeu en Haïti. La popularité acquise, sur la base des facteurs sans commune mesure avec la gestion de la République, s’évapore comme l’éther après la prise du pouvoir. Faire danser la jeunesse n’est pas un critère de popularité. Le loisir fait partie des besoins fondamentaux de la vie. Ce n’est pas un tremplin pour accéder au timon des Affaires de l’Etat L’histoire prouve que les leaders populistes font leurs mutations une fois au Palais National. Avec le populisme la hiérarchie du pouvoir c'est l’efficacité individuelle. Le Chef d’Etat populiste devient l’unique Maitre et Seigneur qui gouverne en autocrate.

Jean Bertrand Aristide en 1991 a fait sa mutation le jour même de sa prestation de serment en s’écartant des militaires qui ont assuré son entrée au Palais National. René Préval a tourné le dos à la Famille Lavalas qui lui a pavé la route du Pouvoir. En avril 1998 il a éliminé Jacques Edouard Alexis qui a assuré son élection pour devenir le Chef incontestable et incontesté de son Parti Politique. Il est insensé de croire qu'un Chef d’Etat populiste sera reconnaissant envers ses serviteurs. Par exubérance, il fait sa mutation le plus tôt possible en détruisant les barreaux de l’échelle qui lui a permis d’atteindre son sommet. Faustin Soulouque qui savait à peine lire est un exemple convaincant de l'obscurantisme d'un anarcho-populiste.

La stratégie courante du populiste c'est de créer la surprise. Le populiste méfiant de nature n’a aucun plan rigide. Il méprise tout Programme Politique que lui proposent les technocrates. Suspicieux, il préfère s’adapter aux circonstances afin de dévier tout coup dans l’ombre. Le plus grand secret du populiste, c’est son imprédictibilité. Il n’agit pas, il réagit. Il y a une culture populiste chez la faune politique haïtienne. Le Chef d’Etat le mieux fûté et prétendument le plus intelligent est celui qui n’a confiance en personne. Il surprend toujours par le caractère insolite de ses décisions. Même quand il n’a pas fait de grandes études, on reconnait en lui un As en matière de politique haïtienne. Cependant il y a un aspect du dyptique qui échappe à certains observateurs. Après 53 ans de populisme, le peuple est fatigué. De plus, Haiti demeure le seul PMA de l’Amérique. Il est temps d'en sortir.

A cette phase des débats, il convient de rappeler que la culture politique haitienne était fondée beaucoup plus sur la sérennité et la confiance que sur le populisme. La notabilité qui constituait la trame de notre société d'autrefois était particulièrement axée sur le respect qu’inspiraient certains doyens d’âge. Dans nos Villes de Province et dans nos Sections Rurales, en cas de conflit, les belligérants, avant même de se présenter au Tribunal comme dernier recours, s’adressaient à des personnes ressources de leurs milieux, le plus souvent âgées, pour requérir leurs conseils qu’ils suivaient scrupuleusement. Voilà comment le calme régnait sur toute l’étendue du territoire. Les forces de Police, les Tribunaux de Paix ne subissaient aucune pression grâce à certaines préventions sociales.

Depuis près d’un demi-siècle la culture populiste se superpose sur cette culture populaire empreinte de confiance et qui servait de verrous à certains éclatements sociaux. Il n’est pas étonnant au cours d’une campagne électorale que nos candidats pour bénéficier de la ferveur populaire font des déclarations irresponsables à saveur populiste telles que: "Je vais construire une Université dans Chaque Section Communale." Tout d’abord faisons remarquer que le populisme qui prône l'antipartisme parle à la première personne du singulier: "Je". Il n’y a même pas un Lycée dans chaque Section Communale qu’on estime à 572, que dire d'une Université.Tout d’abord on peut déjà comprendre que notre candidat ne saisit pas très bien les concepts Section Communale et Université pour n’y avoir pas séjourné encore. Point n’est besoin de questionner l’éthiologie ni la sémantique pour déceler que le discours d’un tel prétendant au fauteuil présidentiel est irresponsable et sans commune mesure aves la réalité nationale. Il s’agit d’un appât posé pour attirer les imbéciles.

Dans un pays où la population déjà aux abois est à la recherche de solutions tangibles, peut-on se gargariser de vaines promesses. D’ailleurs durant ses 100 premiers jours, le Chef d’Etat ne peut que placer des clignotantes pour baliser son espace d’intervention pour les 5 ans de son mandat. D’ailleurs l’Opposition déjà constituée des 12 apôtres qui prêchent l’évangile de l’annulation des élections sera intransigeante envers le prochain Gouvernement. Dans une conjoncture politique déjà sujette à la tension, le populisme va conduire le pays vers la tyrannie. Coincé entre les besoins pressants des masses nécessiteuses qui ont investi leur confiance dans leur bulletin de vote et l’impossibilité de les satisfaire à brève échéance, le populisme, pour se dédouaner s’en prend à la bourgeoisie, l’élite intellectuelle, la communauté internationale, comme boucs émissaires.

Un pouvoir véhiculé par les chars des bandes carnavalesques s’avère très dangereux. La quantification des suffrages, à partir d’un motif aussi fumeux que le fanatisme musical, est erronée. La popularité et l’impopularité d’un Chef d’Etat sont évaluées en terme de:
- réalisations tangibles
- accès au crédit
- indice des prix à la consommation
- baisse du taux de chômage 
- augmentation du taux d’emploi
- ralentissement sensible du niveau d’insécurité
- baisse du taux d’inflation
- augmentation du niveau de crédit 
- augmentation du taux de croissance économique ou PIB

Nous avons des dossiers urgents à traiter tels que le choléra, l'hébergement des victimes du Tremblement de Terre encore sous des abris de fortune. La chronologie événementielle commence avec l’investiture du Locataire du Palais National. Pour garantir la popularité de l’élu(e) par le biais de son programme de gouvernement, la scienticité d’une méthode de gestion s’impose. Il faut à tout prix renverser certains obstacles qui se dressent sur les avenues du pouvoir. Un discours flatteur peut vous assurer une ascension rapide mais ce n’est que feu de paille car à la moindre friction c’est la débâcle. L’équilibre du fauteuil présidentiel dépend du socle sur lequel il repose. Actuellement le baromètre politique haitien oscille entre Propagande et Compétence, Populisme et Popularité.

Jean Erich René
erichrené@bell.net

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