Elections présidentielles dominicaines et Haïti. Essai d’analyse politique.

Friday, May 18, 2012 0 comments
Publié dans Le Matin
Par Joseph Harold PIERRE, M.A., M.Sc. 

Introduction 
Les élections présidentielles de 2010 en Haiti avaient beaucoup attiré l’attention dominicaine. La presse parlée et écrite y avait accordé une grande place. Le président Leonel Fernandez avait invité certains candidats à présenter leur agenda à la Fondation Globale, Développement et Démocratie (FUNGLODE). Cet intérêt des Dominicains aux élections de 2010 s’insère dans un plan global de mieux comprendre et de mieux cerner la réalité haïtienne, pays dont dépend, pour une large part, la croissance et la stabilité de l’économie dominicaine. Pour son progrès et son développement, Haïti a, elle aussi, besoin de mieux comprendre la réalité dominicaine, de suivre le cours des événements qui s’y déroulent. C’est dans cette perspective que je tiens à présenter les élections présidentielles dominicaines aux leaders d’opinion, aux acteurs travaillant dans les relations haïtiano-dominicaines et au lectorat de Le Nouvelliste en générale. Dans cet essai, je veux utiliser ces élections comme grille d’intelligibilité pour lire la réalité politique dominicaine et surtout pour en dégager les enjeux pour Haïti. 


Le reste du texte comprendra les parties suivantes. Premièrement, j’essaierai de contextualiser les élections ; deuxièmement, je parlerai des deux candidats favoris et leurs partis politiques ; troisièmement, je m’attarderai sur la campagne électorale et sur le rôle qu’y joue Haiti ; et finalement, il sera question d’analyser les enjeux pour Haïti de la victoire de l’un ou l’autre des deux candidats préférés. 

1 – Vision générale des élections

Les élections auront lieu le 20 mai prochain et constituent la cinquième joute depuis que, en 1998, par une reforme de la loi électorale, les présidentielles ont été séparées des législatives. Répartis entre eux 24 partis politiques, les candidats qui se présenteront aux prochaines joutes électorales sont au nombre de six et répondent aux noms de: Hipólito Mejía et Danilo Medina qui sont les deux candidats favoris, Guillermo Moreno, Eduardo Estrella, Max Puig et Julian Serulle. 

Quant à l’électorat, il est composé de 6.5 millions de citoyens sur une population de 9.3 millions d’habitants, soit 70% du total. Parmi les électeurs, le féminin l’emporte sur le masculin par une différence de 1%. Il est important d’attirer l’attention sur deux aspects majeurs : l’un est que 27% des personnes habilitées à voter ont entre 16 et 29 ans, et l’autre consiste en ce que 43% des électeurs appartiennent aux départements (provincias en Rép. Dominicaine) se trouvent à Santo Domingo et à Santiago de los Caballeros, 32% pour la première et 11% pour la seconde. 

Une particularité à souligner dans ces élections est la candidature à la vice-présidence. A la différence d’un premier ministre haïtien qui est choisi après les élections, mais qui pèse fort dans la balance des pouvoirs, du moins selon la constitution, le choix du vice-président dominicain se fait avant les élections et son approbation dépend exclusivement du candidat à la présidence et de son parti. Il faut noter aussi que le vice-president représente plus une figure honorifique à la manière d’un roi européen qu’un décideur en matière de pouvoir. 

En résumé, l’idée à dégager dans cette partie est que le nombre de candidats est considérablement bas si on le compare avec les élections présidentielles en Haiti, alors qu’une forte partie de l’électorat se concentre à la capitale, tout comme en Haiti. 

2 – Danilo Medina et Hipolito Mejia 

Originaire de San Juan de La Maguana (sud du pays) et âgé de 60 ans, Danilo Medina est licencié en Economie et en Chimie dans des universités dominicaines. Membre fondateur du parti sous lequel il se porte candidat, Parti de la Libération Dominicaine (PLD), il fut élu trois fois député et exerça, en deux occasions, le poste de secrétaire d’Etat à la présidence. Pendant son passage à la Chambre Basse (1990-994), il présida la Commission des Affaires Sociales et Provisoire du Parlement Latino-Américain dont le siège se trouve au Brésil. Il est à souligner qu’en 2000, le chimiste-économiste s’était porté candidat à la présidence pour la première fois et a essuyé un échec face à Hipolito Mejia. En ce qui concerne son tempérament et caractère, une partie de l’opinion publique est portée à croire que Danilo soit un citoyen moral, austère et flexible. 

Quant à Hipolito Mejia, celui-ci est né à Santiago de Los Caballeros et a 71 ans, 11 ans de plus que son adversaire. Après son bacc technique à l’institut polytechnique des Jésuites en République Dominicaine, Mejia a décroché une licence en Agronomie à l’université de l’Etat de Caroline du Nord. De ministre de l’Agriculture en 1982, l’agronome est devenu le compagnon de route de Peña Gomez au poste de vice-président aux élections de 1990, lesquelles ont été frauduleusement remportées par Joaquin Balaguer. Le fait le plus saillant dans son passé politique est que son mandat à la présidence (2000-2004) été marqué principalement par la crise économique soldée déclenchée par la faillite de la banque Baninter en 2003. 

Pour ce qui est des partis politiques, les deux furent fondés par Juan Bosch, dominicain d’origine portoricaine, élu président en 1963 et renversé par un coup d’Etat militaire. Accompagné de certains compatriotes, Juan Bosch a fondé le Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD) pendant son exil à Cuba, en vue de consolider la lutte contre la dictature de Trujillo et de le substituer, venu le moment, par un régime démocratique. Apres la mort de Trujillo en mai 1961, les membres du parti ont décidé de rentrer au bercail. Toutefois, une fois arrivés au pays, le PRD ne constituait plus un bloc monolithique, car certains membres s’étaient dérobés à son idéologie pour s’allier à Balaguer, idéologue du trujillisme. Comme un verre brisé, le PRD n’a pas pu refaire son unité et Bosch s’en est finalement séparé pour fonder le Parti de la Libération Dominicaine (PLD) en 1973. A la différence du PRD, de tendance gauchiste dans sa fondation, le PLD se réclame d’une démocratie centriste. L’objectif du nouveau parti, selon son fondateur, consistait à achever l’œuvre de Juan Pablo Duarte qui consistait à faire de la République Dominicaine « une patrie libre, souveraine et indépendante, ou prévalent la justice sociale et le respect de la dignité humaine ». 

Cette partie devrait faire penser l’haïtien sur deux aspects : l’un est que les candidats à la présidence en République Dominicaine ont une histoire politique. Si, chez nous, tel n’est toujours pas le cas, ceci est symptomatique d’un vide de la classe politique haïtienne et qui est nécessairement appelé à être comblé, si on veut renforcer la structure politique et institutionnelle du pays. L’autre aspect qui est la formation des deux partis politiques dominicains, fondés au 20eme siècle doit nous rappeler les partis nationaliste et libéral qui malheureusement n’ont pas fait long feu, mais qui auraient donné une solide base a la démocratie haïtienne. 

3 – la campagne électorale 

La campagne est l’espace-temps où tout se joue dans une élection. Le candidat qui sortira victorieux aura nécessairement utilisé toutes les stratégies susceptibles de lui augmenter ses votes au-dépens de son ou ses contradicteurs. La thématique de l’agenda politique tenant compte des préoccupations de la majorité du peuple, les attaques ou les invectives (campagne négative) lancées contre les opposants, les techniques de publicité (à ce niveau la presse se trouve déterminante) constituent les éléments fondamentaux d’une campagne électorale. Par ailleurs, au-delà de la campagne électorale proprement dite, les sondages n’en demeurent pas moins importants, dans la mesure où ils représentent une force galvanisatrice pour certains et démotivatrice pour d’autres. 

Pour ce qui est des élections dominicaines, on n’en dégagera que deux aspects de la campagne : 1) la thématique des agendas politiques et 2) les sondages. 

3.1 – Thématique des agendas politiques de Hipolito Mejía et de Danilo Medina 

3.1.1 – Corruption et économie 

D’entrée de jeu, les chevaux de bataille de Mejía et de Medina sont la corruption et la continuité du progrès amorcé par le président Fernandez, respectivement. Pour Mejia, aucun gouvernement, dans toute l’histoire de la République Dominicaine, n’a été aussi corrompu que celui de Fernandez. Selon le candidat du PRD, le PLD, c’est-a-dire le parti officiel, aurait dépensé plus de 4 milliards de pesos, dont 70% des fonds alloués au secteur agricole. La question de la dette externe de la République Dominicaine se mêle de la partie. Hipolito Mejia reproche à Danilo Medina, en la personne du gouvernement, d’avoir emmené la dette du pays à un niveau insoutenable. Toutefois, la dette publique dominicaine des gouvernements de Leonel de (2004-2012) est en moyenne 24% du PIB, 21% pour le premier et 29% pour le second, alors qu’elle fut évaluée a 23% en moyenne au gouvernement de Mejia (2000-2004). Il est à noter toutefois qu’en 2003 et 2004, l’un des résultats de la crise économique s’était traduit par une hausse considérable de la dette passant de 18% en 2002 à 28 et 29% du PIB en 2003 et 2004, respectivement. 

D’autres aspects de la débâcle susmentionnée servant d’arguments à Danilo pour discréditer son adversaire furent l’inflation et la dévaluation du peso dominicain qui avaient atteint en 2003 et 2004, des niveaux historiques, augmentant le nombre de pauvres en République Dominicaine à deux millions. 

Les deux candidats coïncident sur le développement du tourisme et de l’agriculture. En ce qui concerne l’industrie du tourisme, Danilo déclare qu’il imitera l’Espagne, la France et l’Italie, de manière à recevoir 10 millions de touristes par an, soit un touriste par habitant. 

Dans la rubrique de la corruption, des éléments conjoncturels se sont révélés de plus en plus importants pour l’un ou l’autre des candidats. Parmi ces éléments, on peut citer la révélation de la journaliste Nuria Pieria, selon laquelle l’ingénieur et entrepreneur Felix Bautista, sénateur du PLB et ami particulier du président Fernandez, aurait donné 2,5 millions, 250 mille et 1,2 millions de dollars à Michel Martelly, à Myrlande Manigat et à Alejandro Toledo, candidat présidentiel au Pérou en 2011, respectivement, pour leur campagne électorale. De plus, peu avant les déclarations de Nuria Piera, la candidate vice-présidente de Danilo Medina, Margarita Cedeño, première dame de la République, aurait été impliquée dans un scandale de corruption consistant en des détournements de fonds que son bureau aurait reçus pour des œuvres humanitaires. Hipolito Mejia a utilisé à tort et à travers ces scandales pour décrier le gouvernement et augmenter les intentions de vote en sa faveur. 

Le PLD a réagi, utilisant à son actif, le « coup d’Etat » qu’aurait tenté de tramer le colonel retraité Pepe Goico, proche collaborateur du candidat de l’opposition. D’un côté ou de l’autre, il est difficile de connaitre la vérité. Toutefois, les dénonciations de l’un ou l’autre des deux camps peuvent paraitre plus plausibles, eu égard aux sources, à la culture de corruption qui prévaut dans l’île, et à une analyse des conditions favorables à la perpétration d’un coup d’Etat. 

En résumé, ce que doit retenir l’analyste ou le leader d’opinion est qu’Haïti constitue un capital non seulement économique mais aussi politique pour la République Dominicaine. D’un autre côté, le projet enviable de Danilo Medina d’ « un touriste par habitant » doit interpeller les ministres du tourisme et de l’économie haïtiens sur le potentiel touristique de notre pays, lequel, bien exploité, peut devenir le moteur économique d’Haïti, tout comme il en est le cas pour la République Dominicaine, pays d’ailleurs sur lequel nous avons un avantage comparatif dans l’industrie touristique, fondé sur notre patrimoine historique. 

3.1.2 – Développement social 

Du point de vue social, la campagne électorale s’est centrée sur l’éducation et le loyer. Pour ce qui est de l’éducation, depuis l’année dernière, la société civile avait exigé au gouvernement l’allocation du 4% du budget national à l’éducation, comme le veut la constitution. Toutefois, ni le gouvernement de Hipolito Mejia (2000-2004) ni ceux de Fernandez n’avaient respecté la constitution sous cet angle. Cette fois-ci, les deux candidats qui s’affrontent pour la deuxième aux élections présidentielles, se sont tous deux compromis d’allouer le 4% à l’éducation. En ce qui concerne le loyer, Danilo Medina a promis de construire 400,000 maisons s’il gagne les élections, alors que Mejia, renouvelant sans cesse son engagement envers les pauvres, n’avance pas de chiffre pour la construction des maisons. 

La lutte contre la délinquance et l’insécurité, et la baisse de la facture de l’électricité (question brulante dans le pays) se trouvent parmi les autres thèmes débattus par les candidats. 

3.1.3 – Relations haïtiano-dominicaines 

Incroyable mais vrai, les relations haïtiano-dominicaines et les conditions de vie des plus de deux millions d’habitants de la diaspora haïtienne en République Dominicaine n’ont pas occupé une place majeure dans les agendas politiques des candidats. Si Mejia qualifie d’immorale la politique dominicaine de refuser aux dominicains de parents haïtiens leur nationalité et dit vouloir remédier à ce problème une fois arrivé au pouvoir, Danilo Medina ne s’y est nullement référé, mais a communiqué sa volonté de la création d’une zone franche avec Haïti. 

3.2 – Les sondages

3.2.1 Etude descriptive des sondages

De Juin de 2011 à mai 2012, 30 sondages ont été réalisés (2.7 par mois) tant par des firmes locales qu’étrangères. 

Comme on peut l’observer dans le graphique ci-dessous, il existe quatre temps bien distincts dans les sondages. Dans le premier temps qui va de juin à octobre 2011, Hipolito Mejia se trouve au-dessus de Danilo Medina avec une différence en moyenne de 11%, soit 51% pour le premier et 40% pour le second. Au second temps qui s’étend de novembre 2011 à la seconde enquête du moins de mars, il n’y a pas de tendance définie et les deux courbes sont très volatiles d’une enquête à une autre. Au cas où les élections auraient été organisées au cours de cette période, il y aurait eu un second tour, car les deux candidats ont obtenu chacun en moyenne 46% des intentions de vote. La troisième période part de la troisième enquête du mois de mars pour prendre fin à la dernière du mois d’avril. Comme on peut le remarquer, il existe une tendance bien soutenue en faveur du candidat officiel et les intentions sont partagées comme suit : 51% en faveur de Danilo contre 44% pour Mejia. 



Dans le graphique, ce qui serait le cinquième temps constitue pour moi une inconnue. Il m’est difficile de croire que la tendance à la hausse en faveur de Mejia pourrait être inversée en si peu de temps. Toutefois, telle est la réalité et la théorie ne saurait la remplacer, sinon qu’elle l’interprète tout en reconnaissant ses erreurs et ses écarts. Et la seule réponse à ma préoccupation est l’opinion de certains dominicains qui vous disent que « la vraie enquête est celle du peuple dans les rues, la vraie enquête sera le 20 mai ». 

3.2.2 - Analyse psycho-politique des sondages 

En vue de saisir les forces qui ont conditionné les résultats des enquêtes, on tiendra compte des aspects suivants : la thématique des agendas politiques des candidats, leur charisme ou personnalité, les publicités et la presse. 

Pour ce qui est du premier aspect, une théorie psycho-politique des campagnes électorales les divise en deux groupes : les faciles et les difficiles. Les premiers se référent aux réalités quotidiennes qui ont affecté la majorité du peuple depuis longtemps et dont la compréhension ou saisie ne requiert pas de formation académique. Parmi les thèmes faciles, pourraient se classer, dans le contexte dominicain, la cherté de la vie, la corruption, le chômage et l’insécurité. En revanche, les difficiles ont comme trait caractéristique qu’ils sont perçus par les gens les plus avisés. La dette publique dominicaine en constitue un exemple. 

Hipolito Mejia qui a fait de la corruption son cheval de bataille n’a pas obtenu les résultats escomptés, car, suivant une enquête de la firme Greenberg, la corruption occupe la cinquième et dernière place parmi les préoccupations des électeurs. La presse, elle aussi, a privilégié les critiques au gouvernement pour ses actes de corruption, mais n’a pas eu un grand impact sur les électeurs. En effet, les préoccupations des dominicains sont, par ordre d’importance, l’insécurité ou la délinquance, le chômage, la cherté de la vie, le trafic de drogue et la corruption. La préoccupation dominicaine pour le chômage et son très peu de souci à la question de la corruption peuvent expliquer en partie l’écart important de Danilo qui, d’ailleurs a accordé une place prépondérante à la création d’emploi dans sa campagne, au dépens de Hipolito Mejia au cours des mois de mars et d’avril. 

Quant au charisme des candidats, Hipolito Mejía a pu, dans une large mesure, « endoctriner affectivement » l’électorat. Son style blagueur et sa modestie lui ont valu pas de sympathisants. Danilo Medina, par contre, n’est pas charismatique. Sa force est son calme, ses interventions calculées et captivantes à la presse. Dans cet aspect, il l’emporte de loin sur Mejia dont les déclarations révèlent souvent de naïveté, d’irresponsabilité ou d’un manque de réalisme politique. Citons-en deux. Mejia eut à déclarer à New York que « Le Dominicain provient d’une race meilleure à celle d’Obama qui est originaire de l’Afrique et est, en conséquence, plus apte à devenir président des Etats-Unis ». Récemment, dans une émission télédiffusée, parlant du niveau de la dégradation morale du pays, il a qualifié de voleuses aux femmes ménagères, car, selon lui, elles savent voler des morceaux de poulet pour apporter à leur mari. Ces deux déclarations, surtout la deuxième, lui auront coûté beaucoup de votes, si bien qu’il en résulte un mouvement de ménagères contre Mejia et pour Danilo. 

Les publicités sont un autre aspect capable d’influencer les intentions de vote. Suivant certains medias, pour 100 spots publicitaires de Danilo, Mejia n’en a que cinq. Le partage inégal des 115.3 millions de dollars de la campagne électorale justifie cette situation. En effet, d’après la Fondation Justice et Transparence, le PLD aurait reçu 75% des fonds disponibles pour la campagne, le PRD, 25% et 0.1% serait reparti aux quatre candidats restants. 

Un autre point important qui favorise le candidat du PLD est la division du parti opposant. Vargas Maldonado, président du PRD, n’a pas pris part à la campagne d’Hipolito Mejia et n’a même pas assisté à la célébration du 14eme anniversaire de la mort du leader du parti Peña Gomez. On sent que le PLD est une équipe, alors que le PRD est un individu. Certains leaders d’opinion ont avancé que Vargas Madona serait la force qui donnerait au candidat de l’opposition le vote des « indécis » pour pouvoir vaincre son contradicteur. 

En résumé, la division du PRD, le manque de réalisme de Mejia dans ses déclarations et la prépondérance économique du PLD auraient eu un impact négatif considérable sur la candidature de l’opposition, alors que la corruption, élément secondaire dans l’opinion publique dominicaine, lui aurait avantagé. 

Par ailleurs, en ces derniers temps, la divergence prononcée des sondages a porté certains à parler de « guerre d’enquêtes », faisant croire que ces dernières sont payées par l’un ou l’autre des deux camps et par conséquent biaisées. Toutefois, au-delà de leur crédibilité ou fiabilité, elles influencent les partis politiques, dans la mesure ou elles leur cristallisent les attentes de l’électorat et par conséquent peuvent, par conséquent, les aider à y ordonnancer leur agenda. De plus, elles peuvent constituer une source stimulante ou démotivatrice pour les militants des partis, suivant le rang qu’y occupe leur candidat. Les enquêtes sont déterminantes pour les alliances entre les partis. Ce n’est pas sans raison que 14 des 18 partis qui n’ont pas de candidat propre s’allient au parti officiel. En dernière analyse, les sondages peuvent renforcer les opinions majoritaires et affaiblir les minoritaires. A ce niveau, il est bon de rappeler certains segments de l’électorat votera pour le candidat qui, selon lui, gagnera les élections, sans qu’ils ne s’identifient à – ou ne connaissent son programme politique. 

4 – Le gagnant des élections et les enjeux pour Haïti 

D’aucuns doutent que Hipolito Mejia ou Danilo Medina gagnera les élections. Les enquêtes sont divergentes et volatiles. Les femmes représentant plus de la moitié des électeurs appuient, la plupart, le candidat officiel, mais les jeunes âgés moins de 20 ans optent pour de Mejia, surtout qu’ils n’ont pas vécu la débâcle de 2003-04 dans leur « propre chaire » pour utiliser une expression courante en Rép. Dominicaine. Toutefois, le groupe le plus motivé à voter est ceux d’au-dessus de 40 ans qui représentent plus de 50% des votants. Toujours est-il que les enquêtes sont divergentes en cet aspect. Danilo dépasse son contradicteur dans certaines, alors qu’il en est dépassé dans d’autres. La vraie enquête, comme disent plus d’un, est le rendez-vous du 20 mai. Et ce sont les « indécis » qui diront le dernier mot ! 

4.1 – Qu’en serait-il pour Haïti si gagne Danilo ou Mejia ? 

Si gagne le candidat du parti officiel, on ne peut espérer de grands changements dans les relations avec Haïti. D’ailleurs, il veut « continuer ce qui est bien » dans la politique du président actuel, et la politique dominicaine envers Haïti est classée parmi « ce qui est bien ». Par ailleurs, le candidat a insisté en maintes occasions sur la création d’une zone franche avec Haïti. Cette zone avantagerait à la Rép Dominicaine dont les exportations vers Haïti se sont élevées à 216 millions de dollars en 2011, alors qu’Haïti n’y avait exporté que pour 10 millions de dollars. Il est impératif qu’Haïti développe son agriculture pour pouvoir augmenter ses exportations et du même coup lutter contre son insécurité alimentaire. Il est à noter que les conditions de vie des plus de deux millions d’haïtiens en République Dominicaine n’ont été touchées par Danilo. 

Si Mejia remporte les élections, il est possible que de sérieux changements s’opèrent dans les relations entre les deux pays. Le PRD, de par sa tendance centre-gauche, et son candidat lui-même, sont connus sinon comme pro-haïtiens, du moins n’ont pas été targués du racisme du parti officiel, opinion qui a été changée, pour une large part, avec la politique du « bon voisinage » envers Haïti, menée par le président Fernandez après le séisme du 12 janvier. Il faut aussi rappeler que l’un des leaders les plus importants du PRD fut Peña Gomez, candidat éliminé en trois occasions aux élections présidentielles pour fondamentalement son origine haïtienne. 

Toutefois, l’appui du gouvernement haïtien à la campagne électorale de Danilo par sa participation à la dénonciation du coup d’Etat qu’aurait voulu perpétrer un proche de Mejia peut amener ce dernier à stopper la politique de bon voisinage de Fernandez. Je dois rappeler, en revanche, que Mejia est le seul candidat à parler la question des sans-papier haïtiens en République Dominicaine, ce qu’il a qualifié d’immoral pour la société dominicaine. Je veux aussi souligner que la politique du « bon voisinage » a laquelle je me réfère plusieurs fois, est fort souvent équivoque. Si, après la catastrophe du 12 janvier, les dominicains ont beaucoup aide Haïti, au moment actuel des choses, les haïtiens en République Dominicaine n’ont toujours pas eu de bons traitements des autorités de la migration. 

Conclusion 

Comme je l’ai dit tout au début, tout comme le progrès économique dominicain dépend pour une large part d’Haïti, le démarrage économique d’Haïti passera, par entre autres choses, la compréhension de la vie économique et politique de la république voisine. C’est cette perspective de contribuer à cet objectif que j’ai écrit cet essai sur les prochaines élections du 20 mai desquelles on peut tirer beaucoup de leçons : 

1. Les candidats sont au nombre de 6, a la différence de chez nous. 

2. Il existe deux grands partis politiques, structurés déterminant la vie politique dominicaine, le PLD de Danilo Medina, et le PRD d’Hipolito Mejia. 

3. La « Junte Centrale Electorale » est déclarée peu crédible, mais il existe des autorités morales et civiles comme l’Organisation « Participation Citoyenne » et Agripino Collado, recteur de l’Université Pontificale Mère et Maitresse (PUCMM), représentant de l’Eglise a catholique, à remettre les choses dans l’ordre. 

4. Haïti et les relations haïtiano-dominicaines ne sont pas figurés parmi les grands points de la campagne électorale. 

5. Le tourisme a été l’un des points les plus traités par les candidats pour maintenir le progrès dominicain. Je rappelle que nous avons un avantage comparatif aux dominicains dans ce secteur, qui est notre patrimoine historique. Reste à développer les conditions nécessaires pour attirer les touristes. 

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