Haïti Dix ans d'Histoire secrète, La tournée de Ti-Pouch
La tournée de « Ti-Pouch »
Au palais, la complicité entre le président et son fidèle secrétaire et ami Claude-Auguste Douyonn'est pas du goût de Michèle Bennett, qui n'apprécie guère le confident de son mari. Elle ne veut plus le voir au palais, et lui demande de l'écarter. Jean-Claude Duvalier ménage son épouse. Claude Auguste Douyon se voit confier une nouvelle mission. Tout en restant le secrétaire particulier du président, il part faire la tournée des consulats à travers le monde. Un vrai bonheur pour cet homme qui revait de voyager. La chance de sa vie...
La mission de Claude-Auguste Douyon n'est pas anodine. On l'invite, en fait, à récupérer les taxes consulaires. D'importantes sommes d'argent, qui, auparavant, arrivaient directement à la banque centrale d'Haïti. Désormais, c'est cet homme, que l'on sait loyal au président, qui ramassera les billets...
La mission de Claude-Auguste Douyon n'est pas anodine. On l'invite, en fait, à récupérer les taxes consulaires. D'importantes sommes d'argent, qui, auparavant, arrivaient directement à la banque centrale d'Haïti. Désormais, c'est cet homme, que l'on sait loyal au président, qui ramassera les billets...
La suite, Frantz Merceron l'explique : « La fortune Duvalier s'est faite sur le dos des taxes consulaires. Beaucoup de gens commencent à le savoir parce que ça, je le dis . » La combine lui est apparue peu à peu. Les ambassadeurs américains Preeg, puis Mac Manaway le mettent sur la voie. « Vous devriez supprimer les taxes consulaires. » Il fallait décoder. « Ils savaient parfaitement que ça ne rentrait pas dans le Trésor public ... » À combien s'élève le détournement?« Ça représentait une moyenne de cent cinquante mille dollars par mois. On parle de deux millions et demi à trois millions de dollars par an'. » « Tous les mois ou deux mois, Ti-Pouch -surnom de Claude-Auguste Douyon allait faire la tournée des principaux centres, ramassait l'argent, prenait -je suppose - sa part, et puis allait déposer cet argent en Suisse pour la famille Duvalier, et c'était, j'imagine, partagé entre eux'. » Limpide. Voilà comment, à partir de 1980, la famille Duvalier se constitue son magot.
Frantz Merceron se défend d'avoir touché sa part. « Je n'ai jamais été mêlé ni de près ni de loin à la fortune des Duvalier, je vous le jure. Mais, d'ailleurs, c'est tellement évident quand on connaît le système. Un ministre n'est jamais qu'un truc jetable dans le système Duvalier, c'est un employé, un fusible. » Il ajoute que Duvalier fils n'allait « pas se compromettre avec quelqu'un qui n'était même pas son ami' ».
Des affaires d'argent, il y en eut quelques-unes pendant les années Baby Doc. Au début des années quatre-vingt, un projet de complexe touristique paradisiaque voit le jour. À Labadie, au nord du pays, près de Cap-Haïtien. C'est un entrepreneur français, installé dans la région tourangelle, qui se lance dans l'affaire. Les investissements sont lourds. L'homme aurait reçu une aide d'unministère français pour environ 40 millions de francs. L'État haïtien serait également partie prenante du projet. Frantz Merceron, ministre des Finances, et Jean-Marie Chanoine qui détient le portefeuille du Tourisme ont le dossier en main. Enfin, entre deux articles, le correspondant de presse d'une agence occidentale mu-ait trouvé le temps de présenter l'entrepreneur français à quelques relations. Ces derniers cherchent des investisseurs locaux.
La bourgeoisie haïtienne est séduite par le projet. Les fonds s'accumulent. Quelques travaux commencent. Puis, un arrêt brutal. L'investisseur français est introuvable. L'homme est parti avec la caisse. L'affaire fait grand bruit, notamment chez les petits porteurs haïtiens. « Il ne se passait pas une journée sans qu'on me parle de l'affaire Labadie », se souvient François-Claude Michel ,l'ambassadeur de France, qui n'était pas encore en poste lors de la genèse du projet. À Paris, on étouffe l'affaire qui aurait donc coûté 40 millions de francs aux contribuables. Le plus curieux, c'est que le mystérieux investisseur reste introuvable. Bénéficie-t-il de hautes protections? …
....................................................................................................................................................................................................................Frantz Merceron se défend d'avoir touché sa part. « Je n'ai jamais été mêlé ni de près ni de loin à la fortune des Duvalier, je vous le jure. Mais, d'ailleurs, c'est tellement évident quand on connaît le système. Un ministre n'est jamais qu'un truc jetable dans le système Duvalier, c'est un employé, un fusible. » Il ajoute que Duvalier fils n'allait « pas se compromettre avec quelqu'un qui n'était même pas son ami' ».
Des affaires d'argent, il y en eut quelques-unes pendant les années Baby Doc. Au début des années quatre-vingt, un projet de complexe touristique paradisiaque voit le jour. À Labadie, au nord du pays, près de Cap-Haïtien. C'est un entrepreneur français, installé dans la région tourangelle, qui se lance dans l'affaire. Les investissements sont lourds. L'homme aurait reçu une aide d'unministère français pour environ 40 millions de francs. L'État haïtien serait également partie prenante du projet. Frantz Merceron, ministre des Finances, et Jean-Marie Chanoine qui détient le portefeuille du Tourisme ont le dossier en main. Enfin, entre deux articles, le correspondant de presse d'une agence occidentale mu-ait trouvé le temps de présenter l'entrepreneur français à quelques relations. Ces derniers cherchent des investisseurs locaux.
La bourgeoisie haïtienne est séduite par le projet. Les fonds s'accumulent. Quelques travaux commencent. Puis, un arrêt brutal. L'investisseur français est introuvable. L'homme est parti avec la caisse. L'affaire fait grand bruit, notamment chez les petits porteurs haïtiens. « Il ne se passait pas une journée sans qu'on me parle de l'affaire Labadie », se souvient François-Claude Michel ,l'ambassadeur de France, qui n'était pas encore en poste lors de la genèse du projet. À Paris, on étouffe l'affaire qui aurait donc coûté 40 millions de francs aux contribuables. Le plus curieux, c'est que le mystérieux investisseur reste introuvable. Bénéficie-t-il de hautes protections? …
Saint-Domingue. Chaque année, plus de quinze mille Haïtiens s'expatrient durant six mois de l'autre côté de la frontière. C'est la période de la récolte de la canne à sucre. La zaffra. Un travail saisonnier, rentable pour le gouvernement haïtien, qui reçoit des dividendes de l'Etat dominicain et des compagnies sucrières nord-américaines pour chaque contingent de main-d'oeuvre. Quelques jours avant le début de la zaffra, la radio nationale diffuse des messages appelant les hommes en âge de travailler à s'inscrire sur les listes d'embauche. Des « rabatteurs », en fait des tontons macoutes, parcourent les bidonvilles. Promesse d'embauche et appât du gain encouragent au départ. À la Croix-des-Bouquets, à l'est de Port-au-Prince, se forment de longues colonnes humaines. Le premier contrat d'embauche de ces travailleurs à bon marché remonte à 1952. C'est ici que, en file indienne, les candidats à la zaffra attendent leur départ pour la République Dominicaine. Entassés dans des camions bâchés, les coupeurs de canne rejoignent Malpasse, la frontière, où ils sont « pris en charge » par les autorités dominicaines. Ils sont alors emmenés vers différents bateys, immenses plantations de canne à sucre, répartis sur l'ensemble du territoire dominicain.
Commence pour ces hommes l'enfer des bateys. La réalité est bien différente des messages prometteurs et enchanteurs diffusés sur les ondes. Ils vivent, parfois, à six ou sept dans une pièce unique, dans des baraquements de tôles et de planches. Chaque matin, à l'aube, ils se rendent aux champs couper la canne. Les esclaves sont toujours noirs '.
Commence pour ces hommes l'enfer des bateys. La réalité est bien différente des messages prometteurs et enchanteurs diffusés sur les ondes. Ils vivent, parfois, à six ou sept dans une pièce unique, dans des baraquements de tôles et de planches. Chaque matin, à l'aube, ils se rendent aux champs couper la canne. Les esclaves sont toujours noirs '.
Sous un soleil de plomb, armés d'une machette, les coupeurs haïtiens font lentement reculer la verte muraille. Les méthodes de récolte ont peu évolué depuis trois siècles. Le sort des braceros n'est guère plus enviable que celui des esclaves qui trimaient sur les plantations des colons français. Le rendement est indispensable. Les gardes veillent et sur-veillent. Un travail de forçat pour un salaire de misère. Dans ces camps, ils doivent tenir six mois. À terme, les travailleurs retournent au pays s'ils ont amassé suffisamment d'argent. Sinon, ils sont condamnés à rester là: 300 000 Haïtiens se sont définitivement installés en République Dominicaine. Ce commerce est lucratif pour le gouvernement haïtien qui loue ainsi les muscles de son peuple à raison de quelques dizaines de dollars par tête. Une entreprise qui, selon Antonio Veras, un avocat dominicain, tient plus de la déportation que de l'émigration traditionnelle vers le marché du travail.
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Depuis son accession à la présidence, le pouvoir de Jean Claude Duvalier est fondé, comme l'était celui de son père, sur deux forces qui se neutralisent, les militaires, d'une part, et les miliciens,tontons macoutes, d'autre part. ….
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Depuis son accession à la présidence, le pouvoir de Jean Claude Duvalier est fondé, comme l'était celui de son père, sur deux forces qui se neutralisent, les militaires, d'une part, et les miliciens,tontons macoutes, d'autre part. ….
Dans les années quatre-vingt, les rivalités qui s'exacerbent créent une nouvelle donne. « Il y avaittrois types d'ambitieux autour du président. Tous d'ailleurs ministres d'État, tous s'appuyant sur des stratégies différentes. Tous évidemment en guerre ouverte contre les deux autres groupes ' », raconte Frantz Merceron.
Un premier clan a pour chef Roger Lafontant. Ministre de l'Intérieur et leader des macoutes, ce médecin, impulsif et autoritaire, s'impose comme l'homme fort du régime. Tous les Haïtiens le craignent. Extrêmement puissant, ses ambitions présidentielles ne font aucun doute. L'homme compte cependant de nombreux ennemis, notamment parmi les militaires qui le haïssent, et qui vont tout entreprendre pour lui barrer l'accès au pouvoir...
Un premier clan a pour chef Roger Lafontant. Ministre de l'Intérieur et leader des macoutes, ce médecin, impulsif et autoritaire, s'impose comme l'homme fort du régime. Tous les Haïtiens le craignent. Extrêmement puissant, ses ambitions présidentielles ne font aucun doute. L'homme compte cependant de nombreux ennemis, notamment parmi les militaires qui le haïssent, et qui vont tout entreprendre pour lui barrer l'accès au pouvoir...
Alix Cinéas, l'un des ministres d'État de Duvalier, est à la tête d'un deuxième clan. Il représentel'aile dure du duvaliérisme, ancrée dans le noirisme. Un groupe qui méprise totalement la « déviation » de Jean-Claude depuis son mariage. Puissant et intelligent, Cinéas, ingénieur diplômé en France, a de fortes attaches avec les militaires.
Un troisième groupe s'articule autour des ministres d'État Jean-Marie Chanoine et Frantz Merceron. Ces deux hommes s'entendent comme deux complices, ce qui ne manque pas de surprendre dans un pays où les alliances sont souvent fiées à la couleur de la peau. Merceron, le Blanc, met souvent en avant son complice, Chanoine, le Noir, qu'il qualifie d'« animal politique pur ». Diplomé en droit et en sciences politiques de l'université de Montréal, l'homme est pourtant moins volubile que son ami, ministre des Finances, et élément tout aussi brillant, formé aux États-Unis. Les deux hommes comptent parmi leurs proches Théodore Achille, ministre de la Justice, et Jean-Robert Estimé, le ministre des Affaires étrangères. Pour autant, cette fine équipe ne représente pas aux yeux du peuple l'alternative démocratique qu'elle entend incarner.
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