Le prix Nobel de médecine 2011

Tuesday, October 25, 2011 0 comments

Les découvertes sur l'activation de l'immunité, qu'elle soit innée ou acquise, ont été récompensées par le comité Nobel. Un Français figure au palmarès.

Loïc Mangin
© Gairdner/Scripps/MNN
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Jules Hoffmann (en haut, à gauche), Bruce Beutler (en haut, à droite) et Ralph Steinman (en bas).

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 Les voies de l’immunité innée de la drosophile (à gauche, la voie Toll)ont été élucidées par Jules Hoffmann, celles de la souris (à droite, la voie TLR) par B. Beutler. Les deux ont beaucoup de points communs. Dans le premier cas, le récepteur Toll est activé et déclenche une cascade de réactions qui, via les protéines Cactus et DIF, conduit à la production d’un peptide antipathogène, la drosomycine. Dans le deuxième cas, l’activation d’un récepteur TLR (pour Toll-like receptor, c’est-à-dire récepteur ressemblant à Toll) entraîne, grâce notamment au facteur de transcription NF-kB, la fabrication d’interleukines (IL-1) et la cytokine TNF, ces deux molécules participant à l’amplification de la réaction immunitaire adaptative acquise.
© INRP
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Une cellule dendritique présentatrice d'antigène (en bleu) entre en contact avec un lymphocyte (en jaune).



Le prix Nobel a été décerné au Français Jules Hoffmann, à l'Américain Bruce Beutler et au Canadien Ralph Steinman qui ont « révolutionné notre compréhension du système immunitaire en découvrant les principes clés de son activation ». Les deux premiers, qui se partageront la moitié de la récompense, se sont intéressés à l'activation du système immunitaire inné, et le dernier au rôle des cellules dendritiques dans le système immunitaire adaptatif. Le comité Nobel a appris trois heures après l'annonce du prix que Steinman était mort le 30 septembre. Après s'être réuni pour discuter de cet unique cas de figure, ils ont décidé de ne pas lui retirer le prix, ayant appris la nouvelle, de bonne foi, après l'attribution. Ce serait conforme aux statuts de la Fondation Nobel selon lesquels un décès qui survient entre l'attribution et la remise effective du prix à Stockholm n'invalide pas la récompense.
Les deux types d'immunité, innée et adaptative, constituent les lignes de défense des mammifères contre les micro-organismes (bactéries, virus, champignons, parasites...). La première, l'immunité innée, est opérationnelle rapidement : elle neutralise les indésirables et favorise l'inflammation qui contribue à les arrêter. Toutefois, ce système n'est pas spécifique des agents pathogènes et est moins efficace que l'immunité adaptative. Celle-ci est fondée sur les lymphocytes T et B qui, d'une part, produisent les anticorps et, d'autre part, détruisent les cellules infectées. En outre, l'immunité adaptative conduit à la « mémorisation » de l'intrus par l'organisme : en cas d'une nouvelle attaque, les défenses seront rapidement et efficacement mises en place. Comment ces deux systèmes sont-ils activés ? Les travaux des trois lauréats l'ont expliqué.
En 1996, J. Hoffmann, aujourd'hui professeur émérite à l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS), à Strasbourg, mettait en évidence chez la mouche drosophile le rôle des récepteurs nommés Toll dans la reconnaissance des agents fongiques. Lorsqu'ils sont activés, ces récepteurs, insérés dans la membrane des cellules, entraînent une cascade de réactions qui culmine avec l'activation, via la protéine nommée Dif, de gènes codant des molécules antifongiques, tel le peptide drosomycine. Quand l'agent pathogène est une bactérie, une cascade de signalisation distincte (dite IMD-Relish), indépendante des récepteursToll, conduit à la production d'un autre peptide, la diptéricine. Aujourd'hui, on connaît une vingtaine de peptides antimicrobiens chez la drosophile. Notons que pour ces travaux, J. Hoffmann a reçu la semaine dernière la médaille d'or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française.
De son côté, B. Beutler, professeur de génétique et d'immunologie à l'Institut Scripps, à La Jolla, aux États-Unis, recherchait un récepteur cellulaire qui reconnaîtrait un produit bactérien, le lipopolysaccharide (LPS) à l'origine des chocs septiques, une hyperactivation parfois fatale du système immunitaire. Il y parvient en 1998, lorsqu'avec son équipe, il identifie chez des souris résistantes au LPS un récepteur semblable aux Tolldes mouches. Ces nouveaux récepteurs sont nommés TLR (pour Toll-like receptor, c'est-à-dire récepteur ressemblant à Toll). La cascade de réactions qui suit l'activation de ces récepteurs TLR conduit ici à la fabrication d'interleukines, des molécules qui stimulent les acteurs de l'immunité. On découvrait ainsi que les mécanismes de l'immunité innée chez les vertébrés partagent de nombreuses analogies avec ceux de la mouche. Autre point commun, certains peptides antimicrobiens de la drosophile ont été retrouvés chez les mammifères, dont l'homme, qui en produit des quantités importantes, notamment au niveau de la peau, du tube digestif et des reins.
Chez les mammifères, l'immunité innée est complétée par une immunité adaptative dont les premières lignes mettent en jeu les cellules dendritiques. Ces cellules, mises en évidence par R. Steinman en 1973, font le lien entre les deux systèmes immunitaires. En maraude dans le sang, la peau et d'autres tissus, les cellules dendritiques jouent le rôle de sentinelles, à l'affût de tout intrus. Dès qu'un se présente, elles le détectent grâce à des récepteurs notés PRR puis l'ingèrent par phagocytose. Ensuite, les cellules dendritiques digèrent l'agent étranger et en présentent des morceaux (on parle d'antigène) à leur surface. Après avoir migré vers les ganglions, elles déclenchent l'activation des cellules de l'immunité adaptative, notamment les lymphocytes T et B qui apprennent à reconnaître l'antigène et à cibler leurs attaques.
Outre l'éclairage qu'ils donnent des mécanismes de l'immunité, et en particulier de leurs premières étapes, les travaux aujourd'hui récompensés se sont traduit par diverses applications visant à traiter et à prévenir certaines maladies. Par exemple, les vaccins sont aujourd'hui améliorés et l'on tente de stimuler l'immunité innée contre les cellules tumorales.

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